10 ans, le bel âge, la vie devant soi, l’insouciance, l’inconscience même… Oui c’est cela: l’inconscience…
Putain 10 ans !
Samedi soir les plages électroniques (débutées de 17 juillet dernier) fêtaient leurs 10 ans avec une très belle programmation musicale, The Avener, Joris Delacroix, Clapton, Feder, Synapson et bien d’autres. Ce très beau line up, ainsi que le succès grandissant de l’évènement au regard des années passées, a permis de rameuter les foules puisque ce samedi soir, la plage était noire de monde.
Les plages électroniques c’est un festival débuté en 2006 suite au souhait émis par le Maire de Cannes de rajeunir la ville. Il contacte alors Panda Event – jeune association organisatrice d’évènements culturels créée dans le but de pallier la carence de manifestations de ce type dans le Sud est de la France – et leur propose d’organiser ce qui deviendra l’un des plus gros festivals de la ville.
[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=77EK0TpxpR4[/youtube]
Ça, c’était en 2013
Après plusieurs années couronnées de succès, proposant une programmation pointue et éclectique (Boys Noize, Laurent Garnier, Julian Jeweil, Vitalic, Elrow et beaucoup d’autres) ainsi que des tarifs attractifs (5 € les premières années, 15 € durant les dernières) le festival atteint son pic de fréquentation en 2010 avec 56 000 personnes environ sur l’ensemble de l’évènement.
En 2009 déjà, le trésorier nous informait dans une interview donnée à Métronews « nos dépenses ont augmenté beaucoup plus vite que nos recettes ».
Un an plus tard, l’organisateur du festival confiait à Nice matin que le seuil de rentabilité était atteint.
Nous sommes un jeune festival qui a grossi très vite, peut-être trop vite. De 400 personnes en 2006 à plus de 10 000 désormais sur chaque concert. Cette année en limitant la jauge on fait 56 000 entrées, soit l’équivalent de 2009. Le seuil de rentabilité est atteint. Tout en restant en trompe l’œil. On ne pourra pas refaire une année de plus comme ça.
Nice Matin – 20 août 2010
Or depuis 5 ans le festival continuait à tourner sur le même modèle économique, notamment sa volonté de rester un évènement abordable, cherchant des partenaires et sponsors plus nombreux ainsi que d’autres solutions pour rester à flot.
Mais cette année visiblement la politique a changé. Les places étaient en vente aux alentours de 22 € la soirée, 50 € le pass 3 jours. Les organisateurs ont aussi fait le choix de s’aligner sur des pratiques qui ont fonctionné ailleurs en utilisant le cashless pour limiter les flux d’argent liquide au coeur de l’enceinte.
La soirée catastrophe côté public
Malheureusement tout n’a pas tourné pour le mieux samedi soir. Trop de billets vendus, 18 000 personnes environ pour un site dont la jauge est estimée à 11 000 grand maximum selon les dires du responsable communication des plages électro en 2013.
La foule était compacte, étouffante, des malaises ont eu lieu, beaucoup de festivaliers se sont plaints de l’organisation, notamment des délais d’attente. Ainsi, on pouvait compter une heure d’attente pour rentrer, une heure d’attente pour acheter un bracelet permettant de payer ses consommations, ou encore une autre heure pour commander de quoi boire, le tout sous une chaleur monstre.
Super set de la buvette mais pas aussi long que le set de l’entrée. #PlagesElectro
— Bouchay | Victor VG (@lebouchay) 8 Août 2015
#plageselectro #wecannesparty 45 minutes pour acheter un bracelet, obligatoire pour acheter à boire + 1 heure pour acheter à boire 😡
— Laura M-a (@LalaM_a) 8 Août 2015
Twitter est unanime: l’organisation des Plages Electro est scandaleuse. 1 heure pour entrer/prendre un verre. #plageselectro
— Bouchay | Victor VG (@lebouchay) 8 Août 2015
La plage était tellement bondée que l’accès à la terrasse (où se trouve la deuxième scène) a dû être bloqué car elle avait atteint son seuil maximum, entraînant des scènes inouïes avec des files d’attentes à l’arrêt dans des marches ou autre endroits destinés normalement à la circulation fluide de la foule. Sur les réseaux sociaux, on peut lire des centaines de commentaires ahurissants, notamment sur la page Facebook de l’évènement ou encore sur Twitter. Ainsi, Ludovic, un spectateur, exprime son mécontentement :
De mémoire d’homme on a rarement assisté à une organisation aussi désastreuse. 1h30 sous la chaleur à se faire marcher dessus pour l’entrée. Une fois passée cette étape, 1h30 pour accéder au bar (sans compter le temps pour avoir les bracelets pour boissons). Arrivé au bar submergé sous la pression populaire, les gens écrasés contre le bar se débattant pour un peu d’air se font sortir manu militari par des Bulldogs de la sécurité assoiffés de baston.
Et ils sont très nombreux à faire partager leur mauvaise expérience de la soirée, certains s’indignent du manque de sécurité et des risques encourus, d’autres crient au remboursement, une majorité nous livre des anecdotes accablantes. Un système de cashless payant (1 €), des parkings à 15 € au lieu des 5,50 € annoncés, le remboursement des crédits non utilisés sur le système cashless lui aussi payant (1 €)… L’argent et les spectateurs fondent rapidement sur la plage.
La 10ème année des #PlagesElectro, la pire édition ! Il suffit de voir toutes les plaintes accumulées ! C’est une catastrophe…
— Clément Hazan (@clmthaz) 9 Août 2015
Dans un souci de vouloir maximiser la rentabilité au détriment du plaisir et de rééquilibrer ses comptes, il apparaît aujourd’hui possible que l’organisation ai failli à l’une de ses tâches. Il suffisait de se positionner au niveau de la sortie pour voir qu’une bonne partie de la foule n’a voulu attendre la fin de la soirée pour en partir, dommage, surtout quand on voit la qualité des artistes proposés.
Une année difficile pour les festivals
Ceci pose évidemment la question de la place de la culture et notamment de son financement, jusqu’où les coupes budgétaires dans ce domaine obligeront-elles les organisateurs d’évènements analogues à devoir trouver des solutions miracles, qui ressemblent plus à des palliatifs qu’à de véritables remèdes, afin d’assurer la pérennité de leur manifestation ?
Le journal Le Monde nous apprenait en mars dernier qu’une centaine de festivals (143 en fait) sont annulés voire supprimés pour la seule année 2015, du fait des coupes budgétaires drastiques au sein des collectivités départementales et régionales, mais aussi à cause du jeu politique et des élections municipales récentes. Certains maires n’hésitent pas en effet à saborder un festival qui porte la couleur politique de leur prédécesseur.
Une « cartocrise », qui peut se regarder comme un cimetière de festivals, a même vu le jour et peut être consultée à cette adresse.
Plus qu’une dénonciation d’un grave dysfonctionnement organisationnel cet article est donc un appel lancé aux collectivités et personnes qui les composent, afin d’ouvrir les yeux sur les risques doubles de l’abandon par elles du secteur culturel. Sont en danger d’une part les évènements, même les plus importants, mais aussi les spectateurs, festivaliers qui s’y rendent. Ce qui s’est passé ce samedi soir n’est pas anodin et doit être pris au sérieux car cela aurait pu être dramatique et pourrait être amené à se répéter si les organisateurs d’évènements en France se retrouvent obligés de compter sur leur seul public pour éviter la faillite …
La tête du Panda n’est donc pas à couper, mais le gros nounours mérite tout de même son coup de bambou sur les paluches… La débâcle n’est pas de son seul tort mais bien une succession de mauvaises décisions à plusieurs niveaux.
Rappelons que lorsque l’on demanda à Winston Churchill de couper dans le budget des arts pour l’effort de guerre, sa réponse fût la suivante : « Alors pourquoi nous battons-nous ? »